PSYCHANALYSTE POUR ADOLESCENTS ET ADULTES, PSYCHOSOCIOLOGUE.
MAL-ÊTRE INDIVIDUEL ET SOUFFRANCE AU TRAVAIL.

Arbre

Hannah Arendt dans son livre « La condition de l’homme moderne » différencie le travail de l’œuvre.

Le travail est corrélé à la nature et ne présente rien de spécifiquement humain. L’homme ici considéré comme n'importe quel organisme vivant, transforme la nature pour satisfaire ses besoins, en la métabolisant pour l'assimiler. La nature est comprise comme une ressource indispensable à sa survie. Ce processus est illimité, sans début, ni fin. Tout ce qui est produit par le travail est destiné à être consommé. Le travailleur quant à lui est interchangeable anonyme, sans singularité.

Œuvrer vise à l'édification d'un monde spécifiquement humain, à la fabrication d'objets imaginés, créés pour durer qui s'établissent dans la nature sans chercher à la consommer. Une œuvre peut-être associée à une réalisation d'importance ou d'envergure qui deviendra alors un chef d’œuvre, ou encore une œuvre d'art.
L'o(e)uvrier contribue à l'édification d'un cadre humanisé qui tend vers le permanent, le durable.
L’œuvre connaît un début et une fin , sa concrétisation s'effectue dans une construction du temps qui distingue un passé, un présent et un futur se différenciant ainsi de toute immédiateté, de toute urgence.

Se rendant à Chartres, Charles Peguy aperçoit sur le bord de la route un homme qui casse des cailloux à grands coups de masse. Les gestes de l’homme sont plein de rage, son visage exprime la colère. Peguy s’arrête et interroge: Que faites-vous, Monsieur ? « Je travaille vous voyez bien. Je casse des cailloux, je n'ai rien pu faire d'autre que ce métier stupide» lui répond l’homme renfrogné.

Un peu plus loin sur le chemin, notre voyageur aperçoit un autre homme affairé à une tâche similaire, son attitude toutefois diffère du précédent. Son visage est plus serein, et ses gestes harmonieux lorsqu'il utilise le maillet. Que faites-vous, Monsieur ? questionne une nouvelle fois Peguy. « Je taille une pierre ».
Plus loin encore, Charles Peguy rencontre un troisième homme lui aussi s'affairant près d'un tas de roches. Son allure est radicalement autre. Il affiche un franc sourire. Il utilise son maillet et son ciseau avec enthousiasme et précision. Peguy là encore lui demande : que faites-vous ?

« Moi Monsieur, répond l’homme, je bâtis une cathédrale ! »

La cathédrale que cet o(e)uvrier réalise dans le monde concret enrichit et reflète la construction individuelle de cet homme, celle-ci immatérielle puisque psychique, sa maison intérieure voire un temple qui sait ?